Des études approfondies en théologie Aristotélicienne lui permirent d'obtenir son diplôme de diaconesse. Aussitôt en poche, heureuse, la première chose qu'elle fit fut d'en alerter Anne et Tristan. Ceux-ci ne tardèrent pas à la féliciter et se jetèrent sur l'occasion pour la prier d'officier le baptême de Tristan, ainsi que leur mariage à venir...
Elle avait troqué son ânesse Zézette contre un beau shire de trois ans, cheval extrêmement large et puissant mais doux et docile, qu'elle baptisa Vulcain, sans pour autant abandonner sa fidèle compagne du temps où toutes les deux arpentaient les rues San Claudiennes pour informer la populace des dernières nouvelles cradingues du Parlement.
Celle-ci trottait en arrière, heureuse de l'opportunité qui lui fut offerte : la retraite !
Et c'est en ce jeudi matinal et frais, que le curieux équipage descendit les versants boisés des collines jurassiennes et arriva dans la clairière ouverte par la chute d'avalanches dues aux dernières intempéries. Ce lieu sauvage et grandiose où se dressait le chalet de ses amis Anne et Tristan.
Elle était impatiente de les revoir tous les deux, impatiente également de retrouver sa Coccy, petite impertinente qui la faisait tant rire et qui croquait la vie comme elle venait. Impatiente de revoir Claude et Faustin...impatiente de les serrer tous dans ses bras...
Curieusement, en arrivant à quelques toises du chalet, ses pensées s'envolèrent vers sa maman...sa chère maman disparue trop tôt, dans une tragédie épouvantable...
Elle stoppa sa monture ; Le ciel ne semblait ne plus exister tant il paraissait flou, d'un bleu à peine discernable et les premières lueurs de l'aube se démerdaient avec les nuages servant de couvercle à la campagne franc-comtoise.
Elle esquissa un petit sourire mélancolique et murmura...
- Voilà Maman, ton amie intime Anne est devenue la mienne...tu fus abbesse, je suis diaconesse...curieux non que ce chemin si proche du tien...
Huit mois désormais que tu es partie...
Je relis les mots que tu m'écrivais, que tu déposais posés contre mon auge lorsque tu partais pour quelques longs mois à l'abbaye. Ces mots toujours tendres et prévenants, et qui me prouvaient ta sincérité. Tes mots qui me faisaient du bien...
Tu avais tout compris.
Je me demande seulement si j'ai pu te donner tout ce que tu m'as donné.
Marcher dans l'herbe verte, goûter de nos yeux les fleurs colorées et marcher en riant dans des jardins crées pour nous.
Oui...pure poésie qui me va droit au coeur...
Maman...faire le deuil de celle qu'on a aimé est un long processus. Il faut se donner le temps de vivre toute une gamme d'émotions, parfois difficiles. Quelquefois, la lassitude nous étreint, d'autres fois, on est surprise de sentir la colère nous envahir. Il y a plusieurs façons de vivre un deuil. L'important est de suivre son rythme. Pour vider la maison ou pour être simplement capable de regarder une enluminure sans pleurer, il n'y a pas de temps fixe. Le seul indicateur à suivre : si ça nous fait du bien. Si on a de la misère, on attend. On ne se bouscule pas.
J'ai fêté ton anniversaire sans toi, puis le mien sans toi. J'attends maintenant avec grande détresse l'épreuve la plus terrible à mon coeur ; le premier anniversaire de ta disparition. Ce maudit soir où tu as esquissé ton dernier pied de nez...alors nécessairement beaucoup d'émotions me secoue.
Une succession de premières fois sans Toi, qui ravive chaque fois la perte. Et parce qu'il faut continuer, on continue...souvent autrement. Faut se remettre en question et faire des changements dans notre vie. Un deuil c'est un exercice de croissance personnelle. Mais mon Dieu comme c'est difficile...
En tout cas tu n'imagineras jamais combien ta pensée s'est ancrée dans mon coeur...heureusement tes amis sont devenus les miens...ils m'aident tu sais à prendre du recul avec tous ces évènements dramatiques...que serais-je sans eux ?
Elle emplit sa poitrine de ce bon air jurassien, puis descendit de sa monture...noua les rênes de Vulcain et sourit voyant Zéztte se coucher près de ce gros châtaignier qu'elle avait dépouillé de ses feuilles à l'automne dernier...les bêtes se rappellent plus que les hommes, elles n'oublient jamais...
Le chalet était en pleine effervescence, on s'agitait, on s'affairait. Claude et Coccy dévalaient en boule les versants, Anne reprisait, mettait une dernière touche pour que son homme soit fin prêt...Tristan...Tristan lui tournait en rond, excité, anxieux sans doute...
Ils n'avaient pas changé.
Sujet: Le retour de Clarrissia 
Jeu 26 Jan 2012, 8:44 pm
